« Une doula, c’est quoi ? »
Conférence du 10 janvier 2008 , à l’espace Kangourou (animée par Nolwenn et moi-même).
1. Historique
Le mot doula vient du grec ancien, qui voulait d’abord dire esclave, puis servante, puis au service de.
Ce terme a été utilisé pour la première fois par Dana Raphael, en 1973, dans son livre : « the tender gift ». Elle désignait des femmes qui aidaient et soulageaient des mères pendant la période post-natale, et l’allaitement. Ainsi, la doula est une femme aux côtés de la femme enceinte.
Cette fonction a toujours existé de tout temps. Dans la famille, les communautés, les villages, il y avait souvent une femme « référente », mère elle-même, vers qui on se tournait naturellement, durant la maternité. Elle assurait entre autre les « 40 jours », pendant lesquels elle maternait la mère, de façon à ce que celle-ci se remette de l’accouchement, que l’allaitement démarre dans de bonnes conditions. Malheureusement, avec l’industrialisation, les familles se sont dispercées, les villages se sont vidés, rendant impossible l’accompagnement par les mères, les femmes de la famille, les « référentes » du village. Mais le besoin de cette présence est restée et c’est en réponse à la demande de parents que cette vocation a émergé dans les années 80 un peu partout dans le monde, pour se professionnaliser.
En France, les doulas sont apparues vers 2000/2001. Sous l’impulsion de Viviane Lemaigre-Dubreuil, doula aux USA depuis 15 ans et revenue s’installer en France, puis de Valérie Dupin, doula en Grande Bretagne depuis 10 ans, un petit groupe de femmes s’est constitué. Elles ont commencé à réfléchir à l’idée d’un rassemblement officiel et à la reconnaissance de ce métier en France. Elles ont créé l’association Doulas De France, qui œuvre au quotidien dans ce sens.
2. Définition
« Une doula, c’est une femme aux côtés de la femme enceinte, de son entourage, à l’écoute de ses désirs, ses besoins, et qui la suit dans ses choix. Elle propose un accompagnement dans la continuité, avant pendant et après la naissance de son enfant. Une relation de confiance, de complicité et d’intimité, de femme à femme. »
« Ni médicale, ni psychologue, elle travaille chez la famille, pour la famille, dans l’écoute, dans l’accueil émotionnel et affectif ».
La doula ne se substitue pas aux sages-femmes, ni aux médecins et/ou gynécologues. Elle vient en complément pour répondre à un besoin d’information ; elle est un soutien affectif pour aider la future maman à trouver en elle les ressources nécessaires à l’enfantement ; elle peut être aussi un soutien pratique à ses besoins d’organisation .
Quelques chiffres parlants sur l’utilité du recours à la doula pendant l’accouchement :
Des essais cliniques randomisés (références ci-dessous) sur le soutien émotionnel et physique pendant le travail ont démontré de multiples avantages :
. 50% de diminution du taux de césarienne
. 25% de réduction du temps de travail
. 60% de réduction de demande de péridurale
. 30% de réduction d'utilisation d'analgésique
. 40% réduction de l'utilisation de forceps
The Doula Book : How a Trainder Labor Companion Can Help You Have a Shorter, Easier and Healthier Birth
Second edition- by Marshall, Phyllis Klaus and John Kennell (Perseus Press, 2002).
3. Comment faire appel à une doula?
Vous en connaissez déjà une, ou en avez entendu parler et vous avez décidé de faire appel à elle. Dans le cas contraire, vous pouvez consulter la rubrique annuaire du site officiel de l’association DDF (www.doulas.infos). Mais, il est très important de se senti à l’aise avec sa doula, pour qu’un rapport de confiance s’établisse. Il ne faut pas hésiter à contacter plusieurs personnes avant de se décider.
Toutes les doulas en exercice ne sont pas référencées dans l’annuaire DDF, mais toutes celles qui y figurent ont signé une charte (où il est question de bienveillance ; de respect du secret professionnel envers la personne accompagnée, et du corps médical) et qui vous garantit un soutien respectueux.
Chaque doula est indépendante. Elle peut travailler en libéral, pour le compte d’une association, ou se faire rémunérer par chèque emploi-service. Elle fixe ses tarifs librement. Toutefois, on peut estimer une fourchette de prix : de 40 à 70 € en moyenne pour un entretien ; environ 250€ pour la présence à l’accouchement.
La plupart des doulas fonctionne par forfait, avec un nombre de visites défini au départ, et réparties avant et après la naissance de bébé.
On recommande d’établir un contrat entre la femme enceinte/le couple et la doula, qui reprend clairement les attentes des parents.
Bonjour à vous toutes et tous,
Je m’appelle DR et je suis pédiatre dans un service de réanimation néonatal dans un grand centre hospitalier avec une maternité de niveau III. Je suis le projet « Doula » de Virginie depuis assez longtemps et c’est avec enthousiasme et un réel plaisir que je le vois prendre forme. Lorsque j’ai débuté mes études de pédiatrie, j’étais avide de savoir, anxieux de mal faire, paniqué de ne pas faire le bon diagnostic, de passer pour un mauvais vis-à-vis des parents. Bref des études très égocentriques dans un grand centre universitaire. Je n’ai pas regretté d’avoir été comme ça puisque d’une part sur le coup je ne m’en suis même pas rendu compte et aussi triste que cela puisse paraître je n’avais pas le temps pour autre chose. Je dirai même a posteriori qu’il faut en passer par là. On règle d’abord la formation et une fois qu’on est « alèse » avec la « technique et la théorie », on a « tout » le temps d’humaniser un petit peu tout ça. Bref, j’apprenais, j’allais à des congrès très techniques, très scientifiques, je m’éclatais dans mon métier, mes aînés étaient contents de moi et je me préparais à ma carrière hospitalière. Et puis la prise de conscience. Nous avons eu notre premier enfant. Je devenais papa et dans de « drôles » de circonstances. J’étais papa en avance de 1 mois. Notre enfant est né à 34 SA dans des circonstances qui aurait pu être dramatiques, hospitalisé un mois dans le service ou je travaillais. J’étais content, il allait vraiment très bien, mes amis, mes collègues s’en occupaient, les infirmières le choyaient. Pour moi c’était le top. Quand on me demandait comment ça se passait, je répondais très honnêtement « nickel ». Et puis ma femme a craqué. Elle a un jour répondu « horrible » Tout le monde est très compétent c’est sur, mais on ne s’intéresse qu’à notre enfant, on ne me demande pas comment ça va, comment je ressent les choses, si j’ai des questions, les informations sont stéréotypée etc... Moi qui pensais travailler dans un endroit super, on me peignait une usine à soigner des bébés. Je l’ai longuement écouté ; une fin de grossesse volée, un accouchement volé (notre fils est né par césarienne sous anesthésie générale), un imaginaire parental balayé, un premier mois de vie volé, une intimité volée. Tout lui était volé. Bref moi qui me contentais de savoir notre fils en vie et en bonne santé comme je le faisais avec tous ces enfants passés entre mes mains, je me suis rendu compte du vide qui existait autours des parents et de mon inaptitude à m’en apercevoir. Ce fut ma métamorphose. Je suis resté ce médecin avide de savoir, j’ai multiplié les formations, j’ai continué à aller à ces congrès très techniques et très scientifiques, j’ai construit ma carrière hospitalière, continué à passer des examens, des concours mais le plus important c’est que je m’éclatais encore plus dans mon métier, dans mon service. Je parlais avec les parents le plus souvent possible, je leur expliquais du mieux que je pouvais, je m’émerveillais avec eux que leur enfant soit en vie et en bonne santé, je travaillais avec les psychologues du services, je tentais de sensibiliser les internes à tout ce qui m’avait échappée durant ces quelques années. Je suis bien conscient que ça ne suffit pas et qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire. Et puis je suis encore loin d’être formidable, je suis capable d’être très con, de mauvais poil, à m’énerver contre des parents qui décidément ne comprennent rien. Il est évident que mon propre cas n’est pas à généralisé, il y a tous les jours des gens formidables qui travaillent auprès des parents et des enfants.
Qu’il s’agisse de la grossesse, de l’accouchement, de l’allaitement, de la parentalité, il existe un vide autours des parents. Vide lié surtout à de multiples questions laissées sans réponses. Il arrive que nous médecins, ne soyons pas toujours formé pour ça, n’ayons pas toujours le temps, la sensibilité, le déclic pour ça. Ce rôle ne trouve plus toujours preneur dans notre société. Je suis heureux que des personnes comme Virginie, accepte de le jouer. Et je suis intimement persuadé qu’elle saura remplir cette fonction avec professionnalisme et humanité.
Rédigé par : DR | 17 juillet 2008 à 19:56